C’est l’histoire du loup qui a vu un loup

Tout le monde a parlé du loup d’Intermarché. C’est vrai que le spot est splendide, ce qui est suffisamment rare pour être applaudi. Tout le...

C’est l’histoire du loup qui a vu un loup

C’est l’histoire du loup qui a vu un loup 1024 724 Jean-Marc Segati

Tout le monde a parlé du loup d’Intermarché. C’est vrai que le spot est splendide, ce qui est suffisamment rare pour être applaudi. Tout le monde a aussi réagi à la méthode de production, mettant en exergue la prouesse du studio en motion design, certains n’hésitant pas à la présenter comme une revanche de l’ancien savoir-faire artisanal, contre l’encombrant IA.

Voilà un angle d’analyse réducteur, anecdotique… Peu importe la méthode, seul compte le résultat, non ? Ce que je voudrais relever ici c’est avant tout la qualité créative du spot. Si l’idée proprement dite n’est pas originale, la narration est très réussie et convient parfaitement à l’univers de la marque et à l’ambiance de la saison.

Alors que la plupart des annonceurs se contentent, une fois de plus, de glorifier leurs offres produits (ah qu’il est beau mon gâteau, ah qu’elles sont peu chères mes huîtres), Intermarché fait l’effort de contribuer à la magie de Noël en partageant une belle histoire. Il n’est pas le seul à le faire, mais avouons que ceux qui le font sont minoritaires. Et ce n’est pas qu’une question de budget – d’ailleurs l’IA résout ce soucis – c’est vraiment une question de vision de ce que doit être la publicité.

Il y a deux écoles qui s’affrontent dans notre métier : La première considère que la médiatisation prime, que n’importe quel message s’imposera, s’il est suffisamment répété. Si vous n’avez rien à dire, dites-le fort. La seconde considère au contraire que la création prime, qu’un message séduisant, convaincant, percutant, permettra de réduire l’effort de médiatisation par l’intérêt qu’il suscite.

Le bon sens devrait guider tous les professionnels, annonceurs comme agences, vers la seconde solution, parce qu’elle embellit davantage le monde, surtout parce que la médiatisation coûte cher et que si un message de qualité peut diviser les coûts GRP, il offre en pratique un avantage économique significatif. Hélas ! Il est plus facile d’acheter de l’espace que de juger des créations. Force est de constater que depuis trente ans la première école a triomphé de la seconde. Il faut dire aussi que les banques d’images, resserrement des budgets aidant, ont contribué à asseoir sa victoire, en transformant trop de créatifs en commentateurs de photos besogneux.

L’exemple de ce loup, peu importe son making-of, est une belle démonstration de la vivacité de la nouvelle génération créative. J’y vois – en tant que publicitaire senior – une lueur d’espoir pour notre métier, et accessoirement pour les KPIs des annonceurs. Si, avec l’aide de l’informatique, dont l’IA (la plus incroyable des palettes qui soit), davantage d’agences se remettent à se battre pour des idées, si la seconde école retrouve du souffle, je suis convaincu que non seulement nos écrans, nos panneaux, nos pages, nos écouteurs, seront plus performants, mais aussi que nos collaborations seront plus satisfaisantes.

Il faut vouloir le retour de plus d’ambition créative au cœur de la publicité, car c’est le meilleur remède à la frustration procédurière.

Voilà une ambition contraignante ! Une création de qualité ce n’est pas tout et n’importe quoi qui sorte du lot. Pour qu’elle soit performante, encore faut-il qu’elle soit juste, engageante et attribuable. Combien de spots n’avons-nous pas vus qui racontaient une histoire originale sans lien avec la marque ? Combien de fois nous sommes-nous demandé ce que signifiait tel slogan abscons ou telle saynète absurde ?

Peut-être que demain les annonceurs à la fois refroidis par le coût des médias et réchauffés par l’accessibilité des idées hors norme seront plus prêts à acheter des grains de folie (allez voir en Thaïlande, franchement chez nous il y a de la marge), à condition que les créatifs qui les cultivent soient à la hauteur. Et c’est rarement le cas. Le talent, que voulez-vous, ça ne s’improvise pas. Faire un pas de côté, ce n’est pas faire un pas en avant. Une bonne création, c’est une stratégie transcendée, pas une stratégie ignorée. C’est une symphonie brillamment composée, pas une improvisation narcissiquement justifiée.

Pour que les prochaines années marquent le retour du fils de la vengeance créative, il va falloir retrouver des Jedis et reformer des Padawans. Pire : il va falloir les payer de nouveau correctement. Bah, puisque la production ne coûte plus rien… Ça va le faire.

Sur ce moment d’optimisme, je vous laisse à de belles fêtes. Et je vous souhaite de belles ambitions pour la suite

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